N’oublie pas de penser à demain – Siobhan Curham

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Traduit par Marie Hermet

Ceux  qui me suivent depuis longtemps savent que j’adore les romans ados de Siobhan Curham, que j’ai tous lus – sauf la série « Les naufragés ». Je l’avais laissée avec Les filles de Brick Lane et je la retrouve au détour d’un rayon FNAC avec N’oublie pas de penser à demain, en coup de coeur de libraire !

Cette fois, nous ne traînerons pas dans à Londres, mais à Lewes où vit Stevie, 14 ans, avec sa mère dépressive. Stevie n’a pas d’amis et n’en veut plus, depuis que sa vie a radicalement changé avec la mort de son père, musicien.   « (…)La simple idée d’avoir une amie m’épuise. Je n’ai pas l’énergie d’expliquer pourquoi je n’ai jamais un sou, ni pourquoi ma mère ne quitte pas son lit. » Nous sommes la vieille de la rentrée, et elle appréhende cette nouvelle année scolaire. « Est-ce que les condamnés regardent leur cellule avant d’entrer dans le couloir de la mort ? Je me demande s’ils ressentent aussi cette espèce d’amour soudain pour tous les objets qui les entourent. Tout à coup, je déborde d’affection pour mes vieilles étagères surchargées de livres, mon fauteuil défoncé, et même pour la tache d’humidité sur le mur (…) ». Voici dans quel état d’esprit elle est ! Et pas de quoi être bien dans ses baskets quand le chemisier de votre uniforme fait des siennes ! Ce n’est pas avec ses allocations que sa mère va pouvoir lui en racheter un, d’autant qu’elle en est bien incapable, assommé par les Lexomil. C’est Stevie qui s’occupe de la maison, est obligée de travailler en distribuant des journaux le matin, quitte à renoncer à son rêve : s’acheter une guitare.

Ce jour de rentrée, il y a un nouvel élève : Hafiz. Il est syrien. Il a fui la guerre qui ravage son pays. Ses parents ont versé une somme faramineuse à des passeurs pour lui permettre d’avoir un avenir meilleur. Eux sont restés au pays au moment où débute le roman. Hafiz vit chez son oncle et sa tante à Lewes. Comme la plupart des gamins,  il est « atteint par le virus du football« . Il est connu pour être doué dans ce domaine, chez lui. Ce n’est pas pour rien qu’Hafiz porte le même nom que le fameux poète persan. Son père « est écrivain de profession. Il est est le descendant d’une longue lignée de conteurs arabes (…) ». Un jour il lui explique qu »« il existe une histoire à découvrir en chacun de nous ».
Bien évidemment, le premier jour, il se retrouve assis à côté de Stevie le jour de la rentrée…

C’est une belle histoire que nous raconte Siobhan Curhman, mais pour autant ce n’est pas une histoire qui fait dans le feel good. C’est une histoire ancrée dans la réalité du monde d’aujourd’hui, dans son actualité. Le drame des migrants, l’accueil fait aux réfugiés, la pauvreté, le racisme, la guerre. Mais aussi la dépression, l’amitié. C’est aussi l’histoire d’une renaissance, d’une reconstruction personnelle. Une histoire qui rappelle qu’une vie peut basculer.

J’ai aimé le portrait croisé entre le personnage de Stevie, Anglaise pauvre qui souffre tous les jours du manque d’argent et Hafiz dont la famille est d’un milieu aisé. J’ai aimé qu’elle rappelle que les migrants ne sont pas des gens dans le besoin mais simplement des humains qui fuient un pays où la vie n’est plus possible, qu’ils ne migrent pas pour aller voler le job ou les biens des habitants de leur pays d’accueil mais la mort quasi-assurée dans leur pays d’origine. Il y a deux personnages imbuvables dans cette histoire, genre bas du front, gros lourds à qui on a juste envie de filer des claques. Des gens qui ne progresseront jamais dans leur tête, simplement parce qu’ils sont idiots, d’une bêtise crasse. Et puis il y a les ignorants qui découvrent la sordide histoire d’Hafiz et évoluent dans le bon sens. Il y a les opportunistes qui pensent qu’on peut tout acheter. Même l’amitié ou l’amour, et tournent leur veste en fonction du sens du vent par de savants calculs manipulateurs.
Pendant ce temps, la mère de Stevie galère, à cause de la maladie invisible qui la frappe. Prise dans l’engrenage administratif compliqué.

Un roman d’un bel humanisme, qui donne sourires et espoir.  Il y a même un Irlandais dans cette histoire ! Et de l’humour. A écouter en musique.

C’est mon préféré de l’auteure à ce jour. Coup de coeur, vous l’aurez compris !

A propos Maeve

Blogueuse littéraire depuis 2009, lectrice compulsive depuis l'âge de 6 ans ^_^ .
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3 commentaires pour N’oublie pas de penser à demain – Siobhan Curham

  1. alexmotamots dit :

    Je m’empresse de le noter.

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  2. Ping : Prix des Incos 2020 2021 : Sélection, avis, thèmes ⋆ Délivrer Des Livres

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